ZOOM SUR… Le diagnostic de l’Artérite à Cellules Géantes (ACG) (alias maladie de Horton).
Comment intègre-t-on une révolution technologique dans la modification de nos pratiques ?
L’étude ECHORTON est une étude menée depuis plus de 10 ans par 3 investigateurs principaux exerçant au Groupe Hospitalier Littoral Atlantique, Dr RONCATO Christophe, Dr DENIS Guillaume et Dr ALLIX BEGUEC Caroline avec la coopération d’un grand nombre d’acteurs internes (équipes de médecine interne, de rhumatologie, de maladies infectieuses, de neurologie, de gériatrie, de médecine polyvalente et le laboratoire de pathologie).
Ensemble, ils ont tenté de revoir leur pratique pour améliorer le diagnostic de cette pathologie rare (son incidence en France est estimée autour de 10 cas pour 100.000 habitants de plus de 50 ans).
L’ACG est une vascularite (inflammation de la paroi des artères) systémique qui touche généralement les personnes de plus de 50 ans, avec un pic de fréquence entre 70 et 80 ans. Le diagnostic est parfois long et difficile à faire compte-tenu de signes cliniques peu spécifiques mais doit pourtant être rapide compte tenu du risque d’occlusion artérielle pouvant conduire à une perte visuelle ou à un AVC. Selon les recommandations, on peut distinguer :
- une forme aortique, c’est-à-dire une inflammation de l’aorte avec des signes cliniques spécifiques (douleurs abdominales, amaigrissement, …)
- une forme céphalique avec des maux de tête inhabituels, des douleurs dans la mâchoire, au scalp, aux ceintures scapulaires et/ou pelviennes, etc… et surtout associés à un certain nombre de signes inflammatoires biologiques. Cette forme concerne les patients inclus dans l’étude.
La méthode de référence pour le diagnostic reposait depuis toujours sur la présomption clinique, la présence d’un syndrome inflammatoire à la biologie et l’analyse d’un « morceau d’artère temporale » (biopsie) réalisée au bloc opératoire sous anesthésie locale.
Depuis le milieu des années 1990, l’amélioration des techniques d’échographie avec notamment l’apparition des sondes de très haute fréquence, permettait de dépister l’inflammation des artères temporales dans certains cas. Chaque centre publiait des études rétrospectives dans l’objectif de détrôner le recours à la biopsie mais sans permettre réellement la modification des pratiques cliniques.
C’est alors qu’il y a 10 ans, nos médecins, avec l’aide de l’Unité de Recherche Clinique des Hôpitaux La Rochelle Ré Aunis se sont intéressés à l’apport de l’imagerie non invasive par ultrasons (échographie Doppler, ED) dans l’artérite à cellules géantes.
Ils ont ainsi décidé de prouver que chez les patients à probabilité clinique élevée d’ACG, en cas de positivité bilatérale sur l’échographie des artères temporales (halo hypo échogène) il n’était pas nécessaire de recourir à une biopsie.
Ainsi, chaque patient inclus, de plus de 50 ans, bénéficiait d’une échographie lors du diagnostic.
- Lorsque l’échographie des artères bilatérales (notamment temporales et axillaires) montraient une anomalie tel qu’un halo (une inflammation), le diagnostic était posé et ne nécessitait pas une biopsie. Le patient bénéficiait alors d’un traitement et d’un suivi thérapeutique sur plus de 2 ans.
- Lorsque l’échographie était négative,(ou seulement présente sur une artère ou un autre axe artériel) la biopsie était nécessaire. Dans 50% des cas, celle-ci était négative. Parmi ces cas négatifs, un certain nombre étaient néanmoins conservés comme maladie de Horton, selon l’appréciation du clinicien et d’autres étaient soumis à des diagnostics différentiels.
Cette longue étude (2 ans d’inclusion et 2 ans de suivi par patient) prospective et multicentrique a permis d’inclure 165 patients avec le concours des CHU de Poitiers et de Nantes et les CH de La Rochelle, Rochefort, Niort et Angoulême et a permis de confirmer cette hypothèse grâce à une méthodologie solide et un financement de 60 000€ obtenu dans le cadre de l’appel d’offre régional Recherche CH-CHU Poitou-Charentes 2014.
L’intérêt pour le patient : poser un diagnostic rapide pour diminuer le risque de séquelles (cécité/AVC), écourter le séjour hospitalier classique, envisager une prise en charge ambulatoire et limiter le nombre de procédures invasives.
Elle est ainsi à l’origine d’un changement radical des pratiques de l’art de diagnostiquer et de soigner les patients atteints de cette maladie invalidante. Aux Etats-Unis, les médecins étaient plus frileux à l’utilisation de l’échographie. Cette étude leur permettra désormais de mettre en place une filière de prise en charge rapide.
Le fruit de cette collaboration permet actuellement la mise en place d’une filière de soins accélérés. Grâce à OMNIDOC (télé expertise) et un numéro d’appel dédié, le médecin libéral ou le rhumatologue pourra prendre contact avec nos professionnels dès qu’il y aura une suspicion afin de déclencher une prescription.
Alors qu’avec une biopsie le délai pour réaliser l’acte et obtenir son interprétation étaient de 10 jours, l’échographie quant à elle ne nécessite qu’une journée pour poser un diagnostic.
Cette étude pionnière récemment publiée dans une revue internationale de rang A (Annals of Internal medicine) est un véritable succès tant pour le patient que pour le monde de la santé. Elle souligne aussi la force d’un travail collaboratif et de longue haleine.
Nos médecins réfléchissent d’ores et déjà à de nouveaux projets alliant notamment l’Intelligence Artificielle à leurs diagnostics.
La suite au prochaine épisode…